La Tunisie a œuvré depuis des années à intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans le processus de planification du développement au niveau sectoriel. Elle a préparé, ainsi, un portefeuille de mesures prioritaires visant l’adaptation de plusieurs secteurs clés (agriculture, les ressources en eau, le littoral, les écosystèmes, le tourisme, la santé) parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques.
La Tunisie est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques. Elle est exposée à une aridité importante, susceptible de s’accentuer durant les prochaines années sous l’effet des dérèglements climatiques.
Dans ce contexte, la Tunisie s’est inscrite volontairement sur la voie d’un développement à faible intensité carbone et résilient aux changements climatiques. Plusieurs initiatives ont été ainsi conduites, à savoir la réalisation de divers travaux sur la transition énergétique, l’élaboration d’une stratégie sur les changements climatiques en 2012, les stratégies d’adaptation des différents secteurs et domaines (littoral, agriculture, ressources en eau, santé, tourisme…). Autant d’actions qui lui ont valu le statut d’un pays volontariste, au sein des pays en développement à revenus limités et intermédiaires, dans la lutte contre le changement climatique.
La mise en œuvre de la contribution tunisienne en matière d’atténuation nécessite la mobilisation d’importants moyens financiers pour la couverture des besoins d’investissements et le financement des programmes de renforcement des capacités. Ainsi, la contribution inconditionnelle de la Tunisie est estimée à presque 10% des besoins totaux en investissement (exclusivement dans le secteur de l’énergie) dans l’atténuation.
Rappelant que d’après le rapport présenté à la COP 21 à Paris, les études climatiques ciblant la Tunisie ont montré une importante exposition du pays aux changements climatiques, engendrant une grande vulnérabilité de son économie, de sa population et de ses écosystèmes. Par ailleurs, ces changements affectent plus particulièrement les régions rurales et celles de l’intérieur qui sont fortement dépendantes des ressources agricoles et forestières.
La Tunisie s’avère ainsi vulnérable aux changements climatiques. En effet, dans le domaine des ressources en eau, la disponibilité des ressources renouvelables d’eau est de l’ordre de 385 m3 par an et par habitant. La Tunisie est déjà dans le stress hydrique, cette situation va s’aggraver dans les années à venir sous l’effet des changements climatiques, avec une baisse des ressources en eaux conventionnelles, estimée à environ 28% à l’horizon 2030. La diminution des eaux de surface avoisinerait 5%.
Dégradation et pertes
Au niveau du littoral, sa vulnérabilité physique à l’élévation du niveau de la mer conduit à divers impacts socioéconomiques directs et indirects, dont la perte de salinisation d’environ 50% des ressources actuellement disponibles dans les nappes côtières, la perte indirecte du potentiel de la superficie irrigable d’environ 38.000 ha, à l’horizon 2050, soit 10% de la superficie irriguée actuelle, la dégradation de l’activité des hôtels front mer, d’une capacité totale d’environ 30.000 lits, à cause des retraits des plages ainsi que la dégradation des infrastructures portuaires et littorales.
Les pertes en capital productif, engendrées par ces dégâts, s’élèvent à environ 2 milliards de dollars. Les pertes en production annuelle sont estimées à environ 0,5% du PIB actuel, provenant essentiellement du tourisme (55%) et de l’agriculture (45%). Les pertes d’emplois sont estimées à environ 36.000 emplois, essentiellement dans l’agriculture et le tourisme.
En ce qui concerne l’agriculture, les sécheresses conséquentes aux changements climatiques affecteront les spéculations de la céréaliculture en pluvial, dont la superficie passerait de 1,5 million d’hectares en moyenne actuellement à environ un million d’hectares en 2030, soit une baisse d’environ 30%. Le PIB agricole, suite à la baisse des superficies, accuserait une diminution de 5% à 10% en 2030.
En cas de sécheresses extrêmes successives, les superficies des cultures céréalières et d’arboriculture connaîtront une baisse respective d’environ 200.000 hectares et 800.000 hectares et concernent essentiellement les régions du centre et du sud. Enfin, l’effectif du cheptel baisserait d’environ 80% dans le centre et le sud, contre 20% dans le nord, par perte des parcours de pâturage.
Le secteur du tourisme, quant à lui, dépend essentiellement de l’image balnéaire, ce qui implique essentiellement une sensibilité particulière au climat estival, à la montée du niveau de la mer et à l’érosion côtière.
Le stress hydrique que la Tunisie connaît déjà sera renforcé, ce qui aura des répercussions sur les aménagements touristiques en termes de coût d’exploitation et de sécurité sanitaire. En ce qui concerne l’érosion côtière, les pertes annuelles du secteur touristique, provenant du recul des plages dû à l’élévation du niveau de la mer, sont estimées à environ 5% de la valeur ajoutée du secteur.
Consciente de ces enjeux, la Tunisie a œuvré depuis des années à intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans le processus de planification du développement au niveau sectoriel. Elle a préparé, ainsi, un portefeuille de mesures prioritaires visant l’adaptation de plusieurs secteurs clés (agriculture, les ressources en eau, le littoral, les écosystèmes, le tourisme, la santé) parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques.
Il est à signaler que les besoins totaux de financement de l’adaptation aux changements climatiques s’élèveraient à environ 1,9 milliard de dollars sur la période 2015-2030. Mis à part quelques investissements matériels, il s’agit principalement d’investissements immatériels relatifs à l’appui et la vulgarisation de nouvelles pratiques (appui institutionnel, renforcement des capacités, recherche et développement…).
Engagements et priorités de la Tunisie en vertu de l’Accord de Paris
Dans sa contribution déterminée au niveau national (CDN), élaborée en 2015, la Tunisie s’est proposée de réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs (énergie, procédés industriels, agriculture, forêts et autres utilisations des terres et déchets) de manière à baisser son intensité carbone de 41% en 2030 par rapport à l’année de base 2010.
L’effort d’atténuation proviendra plus particulièrement du secteur de l’énergie qui représente à lui seul 75% des réductions des émissions, sur les bases desquelles a été réalisée cette baisse de l’intensité.
La Tunisie, qui fait déjà des efforts importants d’atténuation dans sa ligne de base, prévoit de baisser de manière inconditionnelle et avec son propre effort de 13% son intensité carbone par rapport à l’année 2010, soit environ le tiers de son CDN.
Pour la réalisation du reste de l’objectif, soit une baisse additionnelle de l’intensité carbone de 28% en 2030 par rapport à celle de l’année 2010, la Tunisie compte sur l’appui de la communauté internationale en termes de financement, de renforcement des capacités et de transfert technologique.
Notre pays déploie tous les efforts pour atteindre cet objectif. D’ailleurs, il prévoit l’organisation d’une réunion parallèle sur la problématique de la neutralité carbone, en marge de la COP 26 de Glasgow.
La neutralité carbone consiste ainsi en l’obtention d’une empreinte ”zéro carbone” dans de nombreux secteurs économiques, en éliminant les émissions de dioxyde de carbone associée, notamment dans les domaines du transport, la production d’énergie et les opérations industrielles, ainsi qu’à travers la production de carburants neutres en carbone.
Les coûts incrémentaux des mesures indispensables pour l’adaptation des secteurs et domaines précités s’élèveraient à environ 2 milliards de dollars et devraient être supportés totalement par la communauté internationale dans le cadre de la lutte mondiale contre les changements climatiques.
En somme, les besoins additionnels totaux en financement pour l’atténuation et d’adaptation seraient ainsi de l’ordre de 20 milliards US$ pour le financement des besoins en investissement et de renforcement de capacités.
En dépit des difficultés financières auxquelles elle est confrontée, la Tunisie promet d’honorer ses engagements en termes de réduction des effets des changements climatiques. C’est ce qui ressort de la version actualisée du document Contribution déterminée au niveau national (CDN).
Le CDN actualisé de la Tunisie propose également, de se concentrer sur d’autres domaines tels que l’économie circulaire, la sécurité alimentaire, la sécurité de l’eau, le développement social.
Renforcement institutionnel
La mise en œuvre et le suivi de la Contribution déterminée au niveau national ont nécessité la mise en place d’une structure de coordination et d’appui permettant d’assister les secteurs et acteurs clés à la concrétisation de leurs contributions et un suivi rapproché des réalisations.
En effet, une Unité de coordination nationale pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris a été mise en place, outre la création en 2018 d’une Unité de gestion par objectifs pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat. Cette unité de coordination, placée sous la tutelle du ministre chargé de l’Environnement, assurera de multiples missions dont la coordination entre les différents intervenants dans le domaine des changements climatiques, notamment à travers l’élaboration d’un portefeuille de projets prioritaires dans le domaine de l’atténuation des émissions, d’un plan national d’adaptation au changement climatique et d’un plan d’investissement pour la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national, l’appui et le soutien à la mise en place d’un mécanisme de transparence, d’élaboration des rapports et de vérification, et ce, en coordination avec tous les secteurs concernés et les intervenants dans le domaine. Cela, outre l’appui continu à tous les intervenants pour l’accès aux mécanismes de financement proposés dans le cadre de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et des autres mécanismes d’appui et de coopération et l’implication effective des principaux intervenants lors de l’identification des priorités et du suivi des progrès de la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national.
Par ailleurs, un Comité consultatif national dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques a été créé en 2020, ayant pour mission la contribution à l’identification des priorités nationales dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques et l’intégration de ces priorités dans les plans de développement en Tunisie, et la préparation des rapports nationaux sur le suivi de la mise en œuvre de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’accord de Paris sur le climat. Cela, outre la mise en place d’un comité consultatif national dans le domaine de l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre au cours de la même année.
Le projet “Appui à la mise en œuvre de la CDN de la Tunisie” a appuyé le processus élargi de concertation avec les différents acteurs clés (partenaires nationaux et sectoriels, partenaires techniques et financiers, société civile…) jusqu’au mois de juin 2019 pour la finalisation et l’approbation de la version définitive de la feuille de route pour la mise en œuvre de la CDN. Ce processus a été marqué par la tenue de plusieurs échanges et réunions bilatérales sectorielles afin de discuter, compléter et valider un document qui offre une vue d’ensemble structurée et cohérente des mesures à entreprendre, permettant d’optimiser les ressources et les moyens disponibles, et d’agir en complémentarité et synergie afin d’atteindre l’objectif climat de la Tunisie à l’horizon 2030.
Pour la Tunisie, la mise à jour de la première CDN représente une véritable opportunité pour amorcer une transformation profonde de son système énergétique et aligner progressivement son économie sur une trajectoire de neutralité carbone visant un développement résilient à faible émission de GES.
Avec l’appui du Pnud et sous l’égide du ministère de l’Environnement, la mise à jour de la CDN a été soumise à une large concertation durant une année (octobre 2020- septembre 2021) et qui a permis l’implication de l’ensemble des parties prenantes concernées par la problématique des changements climatiques.
Bien qu’il y ait une révision profonde de l’ambition climatique, un effort considérable reste à consentir pour activer la mise en œuvre de la CDN et transformer l’objectif climatique ambitieux en résultats concrets. Plusieurs étapes clés restent à franchir pour passer de la programmation des mesures à la concrétisation des actions. A ce titre, le Pnud envisage d’appuyer le gouvernement tunisien dans la réalisation d’un ensemble d’activités, notamment l’élaboration d’un plan d’action visant la programmation pluriannuelle de la mise en œuvre de la CDN actualisée durant la prochaine décennie, l’appui au secteur privé et aux institutions financières dans la mise en œuvre de la CDN actualisée, l’élaboration d’un plan d’investissement détaillé pour accélérer la mise en œuvre de la CDN dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie. Cela, outre la mise à jour de la stratégie nationale bas carbone (Snbc) dans le secteur de l’énergie, projetant une optique de neutralité carbone d’ici 2050.
De même, les décideurs et les chefs de grandes entreprises sont, à leur tour, appelés à s’entendre pour mettre en place des stratégies efficaces pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et concevoir un plan d’action visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La COP 26 de Glasgow est également l’occasion de rappeler au G7 la nécessité de tenir leurs promesses, notamment celle d’allouer 100 milliards de dollars par an aux pays les plus pauvres, pour les aider à réaliser leurs plans d’adaptation climatique et à faire face aux effets des changements climatiques.